Plus de vie

Cet article est paru sur le site christnet.ch en octobre 2020.

Photo by Eddie Kopp on Unsplash

La terre fit germer de la verdure, chaque espèce d’herbe portant sa semence et chaque espèce d’arbre produisant du fruit, portant chacun sa semence. Dieu vit que cela était bon. Genèse 1 :12

La création de Dieu est diverse, multiple et féconde. En tant qu’apiculteur, c’est toujours un émerveillement de voir à quelle vitesse une colonie d’abeilles se développe au printemps, la reine peut pondre jusqu’à 2’000 œufs par jour. La création est tellement généreuse! Jésus cite un exemple dans la parabole du semeur en parlant d’un épi de blé qui peut produire jusqu’à 100 graines. Il suffit d’observer un tas de terre à côté d’une maison en construction pour voir comment la terre se couvre rapidement de toutes sortes de plantes formant un tapis multicolore.

Cette diversité spontanée ou naturelle ne se reflète pas dans les pratiques agricoles qui se sont développées depuis la mise en place de la mécanisation. On pourrait même parler d’industrialisation agricole. Le processus lui-même peut avoir certains aspects positifs de répartition des tâches et des ressources pour travailler plus rapidement. Même râper des carottes à la main pour une salade peut devenir fastidieux et on est heureux de pouvoir le faire à la machine !

Malheureusement, la mécanisation et la standardisation des processus ont conduit nos paysages à devenir de moins en moins variés, avec une forte baisse de la biodiversité à la clé. Une personne peut aujourd’hui cultiver des surfaces énormes grâce aux machines, mais dans des écosystèmes qui se sont appauvris.

Dans la nature, les animaux de la forêt la transforment petit à petit pour qu’elle leur soit favorable. Un blaireau, par exemple, enterre ses crottes le long des sentiers qu’il parcourt en semant ainsi les graines et noyaux de fruits qu’il apprécie. Petit à petit, la forêt va se transformer et elle sera de plus en plus favorable à l’épanouissement du blaireau.

La diminution du nombre d’espèces de plantes, d’animaux, d’insectes ou de vers de terre dans les espaces habités par l’homme montre par contre que partout où il s’installe, une sorte de « désert » le suit.

Cette situation est-elle réversible ? Pas pour les espèces éteintes malheureusement, mais de façon générale, il est encourageant de voir qu’une prise de conscience se manifeste. L’agriculture biologique progresse en Europe. Je viens de rendre visite à mes amis Augsburger, qui gèrent un domaine agricole près d’Yverdon en Suisse romande. Le couple me disait que c’est une conviction venue de Dieu qui les a poussés à faire le pas vers l’agriculture biologique, plus proche de la nature. Le virage à prendre est énorme, il faut être motivé, mais c’est gratifiant. Et si on habite en appartement, comment peut-on participer à cette magnifique mission « d’augmenter » la vie, de favoriser la biodiversité ? On peut soutenir les personnes qui sont engagées dans une telle démarche, mais aussi, si on a un jardin ou quelques mètres carrés de terre, laisser des espaces en friche, ou remettre dans la nature les noyaux des fruits comme les blaireaux 😉…

La promotion de la vie passe par des relations restaurées avec Dieu et entre humains, bien-sûr, mais aussi avec le reste de la création. Où allez-vous lancer votre prochain noyau de pruneau ? 😊

Mission intégrale et réconciliation avec la terre

Cet article a été publié dans la revue « Perspectives Missionnaires » n°79, de juin 2020.

L’essor des missions protestantes au XIXe siècle, a montré que l’annonce de l’Évangile et l’implantation d’églises (avec des activités connexes comme la traduction de la Bible) ont été accompagnées, dès le début, par des actions caritatives, en général dans la santé et l’éducation.

Aujourd’hui, on peut observer que les organisations missionnaires (qui ont parfois changé de nom pour devenir des services d’entraide, d’échange, etc.) sont largement impliquées dans la promotion du développement, inscrit dans le monde entier dans le cadre des ODD (Objectifs de Développement Durable) de l’ONU.

La santé et l’éducation ont souvent été privilégiées pour démontrer l’amour de Dieu au monde et les missionnaires ont donc aussi été médecins et enseignants, mais plus rarement ingénieurs ou agriculteurs. En effet, en ce qui concerne ce dernier domaine, les chrétiens ne sont pas réputés pour avoir créé de nombreux centres de formation agricoles[1], comme cela a été le cas pour les hôpitaux ou les écoles. Ce choix montre que le centre des actions menées était mis principalement sur l’humain, bien avant le reste de la création. Toutefois, avant même l’arrivée du mouvement écologiste, de nombreux précurseurs ont manifesté un intérêt pour les entités « non humaines » de la création, il suffit de penser à François d’Assise. Nous avons besoin aujourd’hui de repenser la mission pour la rendre plus « intégrale », non seulement dans l’équilibre entre la parole et les actes, mais dans l’extension de ces actes à l’ensemble de la création.

  1. Le désenchantement du monde nous a séparés de la nature

Grâce à Descartes, aux Lumières et aux autres philosophes, l’esprit critique et scientifique s’est développé en Occident, ce qui a permis l’essor des sciences, de la technique et in fine de la révolution industrielle. Cette dernière a permis d’augmenter de façon spectaculaire la productivité. Au niveau agricole, c’est la révolution verte qui a illustré la mise en application de l’industrialisation. Cette révolution introduite dans les années soixante sur la plupart des continents a été rendue possible par la mise au point de nouvelles variétés de plantes à haut rendement (hybrides au départ, puis OGM), notamment de céréales (blé et riz). L’utilisation des engrais minéraux et des produits phytosanitaires, de la mécanisation et de l’irrigation ont aussi été des éléments constitutifs de la révolution verte.

Grâce à la simplification des processus et à l’uniformisation, une augmentation de l’efficacité et de la productivité s’est traduite par des rendements améliorés et une production à la hausse. Ce modèle n’a toutefois jamais été durable. Cette agriculture que l’on qualifie aujourd’hui de « conventionnelle » présente de sérieuses insuffisances sur le plan environnemental (dégrada­tion des sols, perte de la biodiversité, pollution de l’eau et de l’air, dégradation du paysage) social (exode rural dû à la diminution de la main d’œuvre, perte des savoir-faire traditionnels, dégradation de la santé humaine) et économique (endettement des agriculteurs-trices, coût élevé des intrants, effondrement des prix agricoles payés aux productrices et producteurs).

L’industrialisation a introduit une mise à distance de la nature, et nous sommes aujourd’hui horrifiés par certaines pratiques industrielles, comme le broyage des poussins mâles à la naissance dans la filière avicole de production d’œufs, qui ne sont que la conséquence logique de la chosification de la nature et son traitement comme un objet.

Le désenchantement du monde, vidé de ses esprits, a permis de sortir de la superstition, mais nous a fait entrer dans un matérialisme destructeur, qui est aujourd’hui démontré par ce qu’on appelle la 6e extinction de masse[1]. Nous assistons à une diminution catastrophique de la biodiversité.

Source : Infographie du journal Le Monde, 10 juillet 2017

L’homme est aujourd’hui devenu globalement un prédateur capable de dérégler le système terre au point de provoquer la mort massive d’espèces vivantes et peut-être même sa propre extinction. C’est en tous cas l’avis de la nouvelle organisation « Extinction Rebellion[1] » créée en 2018 et très active en Europe pour empêcher cette extinction possible.

2. L’essor de l’agroécologie et de la permaculture, le réenchantement du monde échappe aux églises

Dans les sondages les plus récents, la préoccupation de l’environnement et du climat est devenue une des plus importantes pour les citoyens européens. Depuis plusieurs décennies, des mouvements écologistes luttent contre la marchandisation de la nature et sa destruction. En France, on a constaté un essor important d’initiatives pour repenser le lien à la nature et la société, à l’image du mouvement des Colibris[2], fondé par Pierre Rabhi. En Suisse, les élections fédérales d’octobre 2019 ont révélé une croissance phénoménale des élus écologistes. Les nombreuses manifestations pour le climat rassemblant depuis 2018 des milliers de personnes et en particulier des jeunes en Europe, montrent aussi que la société est en train de changer. Quel rôle a joué l’Eglise dans ce processus ? Il semble marginal, par rapport à d’autres époques où le rôle de l’église dans la société était plus important, comme dans la lutte contre l’esclavage, par exemple.

Face à l’effondrement du vivant, aux changements climatiques et au risque d’une extinction de l’espèce humaine[3], de nombreuses initiatives ont fleuri pour repenser notre rapport au monde et en particulier à la terre. On peut y voir une forme de réenchantement du monde et de rejet du matérialisme triomphant. Parmi ces initiatives, c’est l’agroécologie et la permaculture qui ont le vent en poupe. Les formations en permaculture sont souvent rapidement complètes. Dans ces formations à l’agroécologie et à la permaculture, on partage une vision clairement holistique, qui va au-delà des aspects techniques du compostage, des techniques de culture sur buttes, etc. On trouve souvent des ateliers pour se reconnecter à la nature[4], parfois avec des composantes de chamanisme[5], mais très rarement des contenus basés sur une éthique biblique explicite. Quelques personnes et organisations commencent toutefois à former à la permaculture avec une vision biblique, comme Jeunesse en Mission en Suisse, par exemple[6]. L’initiative Eglise Verte[7] en France comprend aussi des outils permettant de favoriser des comportements écologiquement responsables.

Est-ce le rôle des églises et de la mission de se préoccuper de l’environnement, du climat et de l’extinction des espèces ? S’agit-il simplement de s’adapter à la mode « verte » qui déferle sur l’Occident ou cette mission qui inclut l’ensemble de la création n’est-elle pas incluse dès le départ dans le mandat donné par Jésus ? [8]

3. Le salut cosmique et la réconciliation oubliée

Dieu se préoccupe de l’ensemble de l’univers. Comme mentionné dans l’évangile de Jean (Jean 3.16), Dieu a envoyé son Fils pour sauver le monde, c’est-à-dire le cosmos, ce qui comprend tout l’univers et pas seulement les humains. Or, souvent ce salut s’est réduit à une réconciliation ne concernant que l’être humain avec Dieu (dimension spirituelle), avec les autres humains (dimension sociale) et lui-même (dimension psychologique). L’équilibre retrouvé dans ces 3 domaines peut sembler manifester le signe d’une vie « complète », mais le lien à la nature, à la terre est souvent occulté, comme si l’être humain était un être désincarné. Jésus a pourtant enseigné à ses disciples de prier « Que ton règne vienne et que ta volonté soit faite sur la terre comme (elle est faite) au ciel[9] ». Cette attente et cette recherche de l’extension du royaume de Dieu sur la terre a parfois été moins importante que l’accent porté sur le ciel[10], ce qui a aussi pu diminuer l’intérêt des chrétiens pour la terre et le monde présent.

Face aux défis immenses auxquels doivent faire face les humains au XXIe siècle, le témoignage des chrétiens et leur présence au monde doit non seulement inclure leurs frères et sœurs humains, mais aussi le reste de la création. La question se pose dès lors : comment manifester concrètement l’amour de Dieu pour la création, comment vivre la réconciliation apportée par le Christ dans la relation des humains à la création ? Est-ce qu’une production alimentaire sans dégradation des sols et sans diminution de la biodiversité est possible ? Le travail des humains avec la nature pour se nourrir implique-t-il automatiquement un impact négatif sur l’environnement ou peut-on envisager de nourrir le monde sans dégrader la création?

4. Pistes concrètes pour une réconciliation avec la terre

Dans cet article, nous nous limitons à l’aspect « alimentaire », donc de production de nourriture et de ses interactions avec l’environnement. D’autres aspects liés à la gestion des déchets, à l’énergie, à l’urbanisme, etc. pourraient aussi être abordés dans le lien à la terre.

Contrairement à ce disent de nombreux dirigeants d’entreprises agrochimiques ou de responsables politiques, il est aujourd’hui possible de nourrir le monde avec l’agriculture biologique[1], à condition de réduire la consommation de viande et le gaspillage alimentaire. Pour reprendre la formule de Gandhi, « le monde a assez pour les besoins de chacun, mais pas pour la cupidité de chacun ». L’agriculture biologique est ici comprise comme une agriculture qui n’utilise pas de pesticides, ni engrais de synthèse qui sont les produits les plus destructeurs pour l’environnement, même si certains produits de traitement restent autorisés en agriculture biologique.

Au niveau du système alimentaire, on peut globalement séparer le monde en deux groupes de personnes, les consommateurs et les producteurs (qui sont aussi des consommateurs, bien sûr). Chacun peut contribuer à la réconciliation avec la terre, plutôt que de contribuer à la prédation humaine sur le système terre, que ce soit au niveau de la consommation en influençant la production par les habitudes de consommation et d’achat ou au niveau de la production, par les choix d’itinéraires techniques.

Au niveau mondial, la proportion de la population rurale par rapport à la population totale diminue régulièrement, elle est d’environ 45 % en 2018, selon la Banque Mondiale. La plupart des habitants ruraux sont des paysans. On estime que la population paysanne sur la planète compte 3 milliards de personnes, pour une population totale de 7.6 milliards en 2018. La FAO estime que la production agricole devra augmenter de 60 à 70 % pour subvenir aux besoins de la population mondiale en 2050, lié à l’augmentation de la population, les changements de régime alimentaire et les changements climatiques. Cette augmentation concerne surtout les pays en développement et non les pays industrialisés où il s’agit plutôt de réorienter les productions (principalement en diminuant la production de viande et en augmentant la production végétale).

Les consommatrices et consommateurs ont une influence indirecte sur la production, mais ce sont bien les paysannes et paysans, productrices et producteurs, qui sont en lien étroit avec la terre et dont les choix influencent directement l’impact de l’agriculture sur l’environnement.

Aujourd’hui, les activités agricoles et forestières représentent 21 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (FAO 2016), ce qui est un comble pour une activité (l’agriculture) qui fait pousser des plantes, organismes qui absorbent du CO2 ! Les pratiques de l’agriculture industrielle, la forte mécanisation, la diminution de la matière organique dans les sols, la déforestation, l’utilisation d’intrants chimiques, la production de viande sans pâture, etc. font que le bilan est négatif au lieu d’être positif.

Malgré cela, la plupart des pays considèrent que l’extension de l’agriculture industrielle reste la solution à la faim et la nécessité de l’augmentation de la production.[12]

Que peut donc faire le paysan pour produire de façon plus durable ?

Pour maximiser les rendements, l’agriculture a évolué vers des monocultures qui peuvent être cultivées de façon mécanisée avec des itinéraires techniques relativement simples. Ce sont effectivement les cultures pures qui offrent la plus haute exploitation du rendement potentiel réalisable sur une surface donnée. Mais ces champs sont fragiles et peuvent être facilement attaqués par des ravageurs ou sensibles aux aléas climatiques. C’est pour cela que dans ces systèmes pauvres en biodiversité on utilise régulièrement des produits phytosanitaires et des engrais chimiques. Il s’agit donc d’une agriculture où le milieu est standardisé, mais nécessite des interventions « lourdes » de la part de l’agriculteur. L’idée de base est qu’une plante a besoin que le paysan la nourrisse et la protège des ravageurs.

L’idée de la nouvelle vision de l’agriculture basée sur la réconciliation avec la nature, telle qu’elle s’exprime en permaculture est plutôt de créer les conditions pour que la plante puisse se développer harmonieusement et produire abondamment, non pas parce qu’elle aura reçu beaucoup d’engrais et de produits phytosanitaires, mais parce qu’elle se trouvera à l’aise dans son milieu et pourra prospérer et porter beaucoup de fruit. Grâce à la diversité génétique, on peut minimiser le besoin de protection des plantes et augmenter le rendement réalisable. Il s’agit donc de trouver des compromis convaincants entre biodiversité et productivité. Le principe général est de travailler avec la nature plutôt que contre. Cette agriculture plus proche de la nature n’est pas intensive en intrants (engrais, produits de traitement), mais intensive en connaissance. En effet, il faut bien connaître les écosystèmes pour les influencer sans les détruire. Une forêt ou une prairie à l’état « sauvage » va permettre uniquement à une très petite population humaine de vivre, car elle ne produit que peu de produits comestibles. L’intervention de l’homme va consister à adapter les écosystèmes naturels pour augmenter leurs productions comestibles pour les humains, tout en préservant leurs qualités de résilience face aux aléas climatiques et leur biodiversité qui les rend stables et durables.

Même lorsque les écosystèmes sont déjà dégradés et très éloignés de ce qu’ils seraient sans intervention humaine, il reste possible de les aggrader (améliorer leur fonctionnement et productivité) grâce à un certain nombre de pratiques.

En voici quelques-unes, à titre d’exemple :

  1. Paillage : le paillage (ou mulching) consiste à épandre de la paille ou des débris végétaux autour des plantes cultivées. Cela peut être aussi du bois raméal fragmenté (BRF) constitué de branchages broyés. Cette couverture du sol autour des plantes va les protéger du rayonnement excessif du soleil et agir comme une éponge pour garder l’humidité du sol et la redonner à la plante quand il ne pleut pas. Cela peut permettre à un jeune plant de céréale de survivre à 3 semaines sans pluie, si la couche est assez épaisse. D’autre part, cette technique bloque totalement l’érosion du sol, ce qui permet de conserver l’humus et de l’augmenter même, car cette couverture de végétaux morts va « booster » la croissance des populations de microchampignons qui vont décomposer les débris végétaux riches en carbone et les bactéries qui vont s’occuper des autres éléments, pour ensemble créer, en association avec l’argile, l’humus qui est la base de la fertilité du sol.
  2. Semences adaptées : la diversité des semences créées par les humains est un trésor, on en trouve pour toutes les conditions climatiques et de sol, et pour tous les goûts. Il s’agit effectivement de trouver la semence la mieux adaptée au contexte dans lequel elle va pousser. Des paysans passionnés ont sauvegardé des centaines d’espèces et aujourd’hui, de nombreux réseaux semenciers essaient de maintenir et développer ces semences paysannes qui n’ont pas besoin d’être OGM pour assurer une bonne production, même dans des conditions changeantes à cause du climat. Souvent les rendements très élevés des semences hybrides vendues par les grandes compagnies sont trompeurs, car ils produisent des plantes fragiles qui doivent être traitées et « engraissées » par des intrants chimiques très onéreux (et néfastes pour le sol).
  3. Associations de plantes : on a longtemps favorisé les monocultures dans l’agriculture « moderne », principalement parce que cela favorise la mécanisation, le passage des machines. Aujourd’hui, même en contexte mécanisé, on peut cultiver et récolter des plantes différentes en un seul passage de machine. Les associations de plantes ont de nombreux avantages, car les plantes peuvent être bénéfiques l’une pour l’autre, comme les légumineuses (soja, arachide, trèfle, fèves, haricot, etc.) qui enrichissent le sol en azote, ce qui est bénéfique pour les plantes comme les céréales. D’autre part, plus on trouve de plantes différentes dans un espace, plus la biodiversité sera grande et les attaques de ravageurs des cultures moindres. Cela permet donc de réduire ou supprimer les traitements phytosanitaires en augmentant la résilience des cultures même en cas d’instabilité climatique[13].
  4. Agroforesterie : planter des arbres autour ou dans les champs permet de mettre en place des associations vertueuses entre plantes. On a constaté qu’en additionnant les récoltes d’un champ de cultures associées ou en agroforesterie (que ce soient des plantes annuelles ou pérennes, comme des arbres), on obtient systématiquement un rendement plus élevé que si on les cultive seules[14]. D’autre part, si on remet en valeur les haies autour des champs, cela permet d’abriter des auxiliaires des cultures qui vont stabiliser la population d’éventuels ravageurs.Les coupes régulières de branches permettent aussi d’obtenir du BRF (voir ci-dessus).
  5. Travail du sol minimum, techniques culturales simplifiées (TCS)[15] ou agriculture de conservation[16] : aujourd’hui de nombreux agriculteurs adoptent le travail du sol minimum, car ses effets sont évidents. Cela permet de ne pas trop perturber les micro-organismes (MO) vivant dans le sol, ce qui ne stoppe pas leur activité, comme c’est le cas avec un labour profond. Les interactions avec les MO sont bénéfiques pour les plantes, car elles interagissent avec eux au niveau de leurs racines pour leur santé et leur nourriture. D’autre part, ce travail minimum diminue aussi les risques d’érosion du sol et de minéralisation accélérée. L’érosion est même complètement stoppée et la matière organique augmente si on associe plusieurs mesures agroécologiques. La résistance à la sécheresse et aux fortes pluies sera aussi améliorée.
  6. Engrais et produits phytosanitaires biologiques : si, malgré l’amélioration de la biodiversité, une attaque importante a lieu sur les cultures, il faut privilégier les produits biologiques (non rémanents) qui se décomposent rapidement et ne causent pas de pollution[17]. On peut utiliser aussi des décoctions de plantes qui servent d’engrais et remplacent les engrais azotés ou composés habituellement utilisés.

Exemple d’itinéraire technique d’un champ cultivé en agroécologie.

La réconciliation avec la terre signifie que les pratiques agricoles peuvent être adaptées pour ne plus utiliser de biocides et pour favoriser la biodiversité, tout en maintenant une production élevée. Les rendements très élevés en céréales de certaines cultures pures (plus de 10 t par hectare) sont trompeurs, car ils génèrent des externalités négatives (pollution des cours d’eau, érosion, destruction de la biodiversité) qui ne sont pas inclus dans le calcul de la rentabilité. En réalité des rendements même diminués de moitié, mais avec une biodiversité élevée, sont préférables, car durables.

En effet, dans les pays industrialisés, une agriculture agroécologique diminuerait certains rendements, mais permettrait de nourrir quand même la population, grâce aux changements de régime alimentaire. Quant à la majorité de la population habitant dans les pays en développement, l’augmentation des rendements en agriculture a encore une grande marge de progression, et l’agroécologie et la permaculture peuvent permettre d’atteindre l’objectif d’un rendement moyen nécessaire de céréales de 3 à 4t par hectare pour nourrir tout le monde.

On peut aujourd’hui nourrir la population mondiale avec une agriculture qui ne détruit pas la nature, tout en produisant suffisamment pour tout le monde, c’est une bonne nouvelle ! Nous pouvons tous, que ce soit en tant que producteur-trice ou consommateur-trice, participer à la réalisation de la prière « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien » en faisant la promotion d’une agriculture réconciliée avec la terre.

Roger Zürcher, janvier 2020


[1] Même s’il existe de nombreuses exceptions. Actuellement, un des centres les plus connus en Afrique francophone est celui de Beer Shéba au Sénégal. http://www.projet-beersheba.fr/

[1]https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/07/10/la-sixieme-extinction-de-masse-des-animaux-s-accelere-de-maniere-dramatique_5158718_1652692.html

[1] https://rebellion.earth/

[2] https://www.colibris-lemouvement.org/

[3] Voir aussi l’émergence de la collapsologie. On peut consulter par exemple le site de Pablo Servigne https://pabloservigne.com/

[4] Par exemple : http://www.permabondance.ch/activites/reconnexion-nature/

[5] https://www.permaculture-certifiée.ch/projets/permaculture-et-chamanisme/

[6] https://ywamburtigny.com/training-formations/seminaires/principes-bibliques-en-permaculture/

[7] https://www.egliseverte.org/

[8] « Proclamez la bonne nouvelle à toute la création. » (Marc 16.15)

[9] Matthieu 6.10

[10] Une étude des paroles des cantiques chantés dans les églises serait aussi édifiante pour voir si on parle autant de la terre que du ciel !

[11] Voir étude du centre de recherche en agriculture biologique de Frick (FiBL) en Suisse https://www.fibl.org/fr/infotheque/message/une-nouvelle-etude-prouve-que-le-bio-peut-fortement-contribuer-a-nourrir-le-monde.html

[12] Voir par exemple la politique congolaise de création de 46 parcs agro-industriels dont la taille varie entre 18’000 à 187’000 ha. https://investindrc.cd/fr/secteurs/agriculture

[13] http://institut.inra.fr/Reperes/Temps-forts/Associations-vegetales-l-agroecologie-en-pratique

[14] http://www.inra.fr/Grand-public/Agriculture-durable/Tous-les-magazines/L-agroforesterie-elargit-le-champ-des-possibles

[15] http://agriculture-de-conservation.com/spip.php?page=detail&id_article=32&id_rubrique=37

[16] http://www.fao.org/conservation-agriculture/fr/

[17] https://shop.fibl.org/CHfr/mwdownloads/download/link/id/662/?ref=1



La nature se venge-t-elle?

Depuis l’émergence de la maladie COVID-19 en Chine, les recherches se poursuivent pour comprendre d’où est venu le virus. Une des pistes pointe vers un déséquilibre entre les humains et la nature. Dans l’article que vous pouvez télécharger ci-dessous, je souligne que cette pandémie nous rappelle que la réconciliation avec la terre est plus que jamais d’actualité.

Chauve-souris, crédit photo Kirsten Gilardi, UC Davis

Agroécologie: espérance et réconciliation

Dans cette émission, je raconte ce que fait Food for the Hungry pour accompagner les petits paysans menacés par l’insécurité alimentaire en Afrique des Grands Lacs. Je partage aussi ma vision holistique de l’agroécologie liée à la réconciliation avec Dieu, avec soi, les autres et la terre.

La demande pour une autre agriculture ne faiblit pas…

Participants à la journée « Se nourrir et se réconcilier avec la terre » du 30 avril 2018 à la Ferme agroécologique de Rovéréaz à Lausanne

Après plusieurs années de promotion de l’agroécologie au travers de diverses organisations en Suisse et en Afrique, je constate que le mouvement ne faiblit pas. Au contraire, ce qui était encore anecdotique il y a une dizaine d’années, devient vraiment « mainstream » aujourd’hui. Il suffit de voir les nouveaux portails de la FAO (http://www.fao.org/agroecology/fr ) et l’intiative 4 pour mille (https://www.4p1000.org/fr ) pour s’en convaincre.

Tout cela est réjouissant. Enfin, il semble que la vision d’une autre agriculture, qu’elle soit bio, agroécologique ou permaculturelle semble progresser de façon solide, jusqu’à influencer les politiques publiques. Enfin, on donne la parole aux tenants d’une autre agriculture réconciliée avec la terre et remettant le paysan au centre. https://www.terrenature.ch/lagroecologie-evitera-que-notre-agriculture-ne-cree-le-desert/

Au niveau de la coopération internationale, je milite dans le cercle des ONG pour la promotion d’une autre agriculture, réconciliée avec la terre, ce qui n’est pas forcément facile, nombreux sont ceux qui pensent que c’est déjà chose faite. Au Sud, on pensait qu’il suffisait de réhabiliter les pratiques traditionnelles pour que l’agriculture devienne durable, ce qui n’est souvent pas le cas, vu les changements rapides (climatiques, entre autres) auxquels les populations doivent faire face. Ici en Europe, en Suisse, on argumentait en disant que presque tous les producteurs pratiquent déjà la production intégrée, qui est plus ou moins semblable à la production bio, ou même meilleure, ai-je entendu. Là aussi, ce sont des idées reçues, non seulement la production intégrée va moins loin que la production bio, au niveau de la durabilité, mais elle reste souvent marqué par l’idée de « traiter seulement quand c’est nécessaire », qui est bien-sûr un progrès par rapport aux traitements systématiques, mais loin de viser l’équilibre de la parcelle et du terroir (et qui est possible, de nombreux exemples le prouvent).

Bref, comme dans d’autres domaines, ce n’est pas « du haut » que viendront les impulsions les plus fortes, mais « du bas », donc de la population, que ce soient les consommateurs ou les producteurs. Cette différence même pourrait à l’avenir s’estomper, si tous les consommateurs devenaient aussi un tout petit peu producteurs, même en ville…

Quelques nouvelles agroécologiques

Chers amis de l’agroécologie,
J’espère que vous avez passé un bon été et automne.
Voici quelques nouvelles, en particulier pour les participants à la soirée « agroécologie » de juillet 2016 à l’église Lazare.
Plusieurs personnes m’ont demandé comment commander les films qui ont été montrés. Je les achète sur le site cede.ch, il s’agissait des films « Les moissons du futur » et « Demain ».
Pendant les échanges qui ont suivi la conférence de juillet, nous avions parlé de reprise de domaine agricole en Suisse ou en France. J’ai eu l’occasion de visiter la Ferme de la famille Patrick et Floriane Luder-Domenjoz à Le Fay. Ce sont des Suisses qui ont quitté leur emploi pour s’installer dans la Bresse et démarrer une ferme bio avec agro-tourisme. Un projet plein de défis, mais aussi très encourageant. Ils sont impliqués aussi dans le woofing (voir http://www.wwoof.fr/ ). Vous pouvez faire un séjour chez eux si le cœur vous en dit. Voici leur site avec leur adresse: http://www.agroaccueil.org/ ou la page facebook de Patrick: https://www.facebook.com/profile.php?id=100005550737575
(ci-dessous, les chèvres laitières de Patrick et Floriane)
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A propos de création de fermes, celle de Rovéréaz à Lausanne a bien terminé sa première saison, c’était intéressant de participer à leurs chantiers participatifs et échanger sur l’agroécologie. Voir ici: https://www.facebook.com/rovereaz/ ou http://rovereaz.ch/. Je trouve qu’on devrait aussi imaginer en Suisse un système de soutien à ceux qui veulent se lancer, comme le fait la Plateforme Bluebees en France. (https://bluebees.fr ). Il existe la Fondation Le Lombric (http://www.lelombric.org/ ), mais certainement que les besoins dépassent les possibilités de ces structures. Pourquoi ne pas en créer une avec notre réseau. Est-ce que cela parle à quelqu’un?

Je continue à faire des formations à l’agroécologie en Afrique: au Bénin, Togo, Burkina, Rwanda et Tchad cette année. J’utilise en général le matériel de formation de Foundations for Farming (http://www.foundationsforfarming.org/), d’AgriSud (http://www.agrisud.org/fr/type-publications/guides/), ainsi qu’un ensemble de bonnes pratiques agroécologiques que nous avons développé en capitalisant des expériences de formation ces dernières années (https://1drv.ms/f/s!Age9lcRS9_AXgoM2cinwuqhmna5OMg ). J’apprécie aussi beaucoup les publications de l’organisation ECHO (https://www.echocommunity.org/). Vous pouvez me contacter si vous êtes intéressés à plus de détails. Il est aussi possible d’organiser une soirée dans une église pour ceux qui seraient intéressés à en savoir plus sur ces approches, spécialement ceux qui sont impliqués dans des projets en zone tropicale.

Quelques lecture actuelles que vous partage:
La Terre comme soi-même, de Michel Maxime Egger (Ed. Labor et Fides): on voit que les pères de l’Eglise avaient une vision parfois très différente de nous quant à la relation à la terre. C’est stimulant.
Le potager perpétuel (Editions Ulmer): comment créer un jardin avec des légumes vivaces (pas besoin de les semer chaque année). Intéressant, non?

Je termine avec 4 infos:
– Nous étions plusieurs à nous retrouver aux journées d’information de Marcelin à Morges sur la permaculture, etc. Il y a aura une nouvelle journée sur l’agroforesterie cette fois, le 1er décembre. Les détails en cliquant sur ce lien: affiche-_conference_1er-decembre-_agroforesterie-1

– Dans une semaine, le 19 novembre, cours pratique de permaculture organisé par ARTERS à Grandvaux. Voir http://www.arters.ch/event/green-day-2016-11-19-14/register

– Envie d’être animateur de jardin? L’Entraide Protestante Suisse (EPER) cherche pour son projet « Nouveaux Jardins » 2 animateurs/animatrices à 20 % pour des jardins situés situés à Yverdon, Neuchâtel et Lausanne. Voir l’annonce complète ici:
http://www.insertion-vaud.ch/modules/organisateurs/files/emplois/16_nj_offre-d-emploi_2_postes_animation.pdf
– Enfin, je voudrais vous informer que l’organisation Foundations for Farming envisage d’organiser une conférence européenne en 2018 à Genève. Qui voudrait se joindre à moi pour faire partie d’un comité d’organisation de cette manifestation? Merci de me contacter si vous êtes intéressés.

Amitiés fraternelles à tous.

Les arbres nous attendent…

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Message donné au centre œcuménique de Froideville, le 22 février 2015

Méditation sur le Psaume 104 (1 à 24) et Romains 8 (18 à 23)

Chers amis, Dieu est là. Dieu n’est pas parti. Certains ont décrit Dieu comme un grand horloger, celui qui a mis en route l’univers. D’autres chantent que Dieu dit « Je vais aller m’asseoir sur le rebord du monde voir ce que les hommes en ont fait ». Images d’un Dieu extérieur à notre vie, hors de notre monde, absent de la Création.

Ce que nous avons lu dans le Psaume 104 est un peu différent.

  • Il conduit les sources
  • Il arrose les montagnes
  • La terre est rassasiée de fruit de ses œuvres
  • Il fait pousser l’herbe pour les bêtes
  • Les arbres du Seigneur sont rassasiés
  • Le soleil sait quand il doit se coucher
  • Les jeunes lions demandent à Dieu leur nourriture
  • Et tout à la fin… l’homme sort pour se rendre à son ouvrage et à son travail jusqu’au soir.
  • Seigneur, la terre est remplie de tout ce que tu as produit.

La terre est remplie de Dieu, la création est pleine de Sa présence. Personnellement, j’ai parfois de la peine à entrer en adoration dans un bâtiment d’église, on est parfois distrait par certains éléments de construction, mais avez-vous déjà adoré Dieu dans la nature ? Ce que j’aime bien faire en été, c’est me coucher sous un arbre et regarder son feuillage, oscillant au vent. Là je suis vraiment dans l’émerveillement, dans l’adoration. Ensuite j’enlève mes lunettes, et comme je suis très myope, le feuillage devient même une peinture impressionniste vivante…

La création célèbre la gloire de Dieu. Oui, nous reconnaissons que Dieu est présent dans sa création. C’est lui qui fait pousser les plantes que l’homme cultive, pour tirer le pain de la terre (v.14) C’est la vision que nous portons au SECAAR, l’agriculture n’est pas juste une activité économique, mais les paysans sont les amis de Dieu et ses collaborateurs pour magnifier la nature et faire sortir le pain de la terre et le vin qui réjouit le cœur de l’homme (v.15).

C’est merveilleux, n’est-ce pas ? L’être humain et Dieu qui font la fête et sont partenaires pour créer de l’abondance et de la beauté, dans la paix et l’harmonie.

Est-ce vraiment ce que nous vivons ? En partie, oui, mais en partie seulement. Car la création souffre, elle est dans les douleurs, elle gémit. C’est notre deuxième texte. Paul nous dit dans son épître aux Romains qu’elle est esclave de forces qui la détruisent. Quelle contraste : la voilà qui grimace, pleure, crie, n’en peut plus…

Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin. Nous savons tous à quel point la création souffre. Que ce soit dans les océans, dans l’air, sur la terre, dans les fleuves, ces forces de destruction sont partout. Les plantes souffrent, les animaux souffrent et bien-sûr les humains souffrent. Où est l’harmonie qui était célébrée dans le Psaume 104 ? Aujourd’hui encore, alors que la production agricole de la planète pourrait nourrir 12 milliards d’êtres humains, près d’un milliard de personnes souffrent de la faim. Une personne meurt de faim toutes les 4 secondes.

Quand s’arrêtera cette souffrance ? Le verset 22 parle des douleurs de l’accouchement, cela signifie donc bien que quelque chose va naître. Quoi donc ? Une nouvelle terre où la justice habitera. Cette harmonie, ce que nous avons lu dans le Psaume, c’est bien le projet de Dieu et cela viendra.

Faut-il donc simplement attendre et faire le dos rond, supporter patiemment cette souffrance, rester au lit, comme quand on est malade ?

La Bible parle effectivement d’attendre avec persévérance, mais pas du tout de manière passive. Jésus a dit que son Royaume était déjà là. La Création attend que nous nous mettions à mettre cela en pratique. Comment ? Nous pouvons tous faire reculer les forces de destruction. Chaque parole d’amour, chaque acte juste, chaque geste de compassion font reculer le mal et l’injustice.

Pour la création, qu’est-ce que cela signifie ? La création attend que les enfants de Dieu se révèlent, qu’ils sortent de leur cachette, pour faire quoi ? Pour entrer en relation avec elle sans la détruire, pour vivre en harmonie avec elle. Pour nous au SECAAR, cela signifie vivre une autre relation avec la terre. Cela signifie nous réveiller et nous mettre à traiter la terre avec respect, avec amour, elle qui a été créée par Dieu, qui continue d’être habitée par Sa présence. Concrètement, cela signifie que nous n’allons plus utiliser des produits chimiques qui détruisent la vie du sol, la micro-faune et les micro-organismes qui nourrissent les racines, qui créent l’humus qui rend le sol fertile. Nous n’allons plus utiliser des charrues profondes qui détruisent la structure du sol et provoquent l’érosion. Nous n’allons plus laisser le sol nu pendant des mois, brûlé par le soleil jusqu’à ce qu’il soit cuit et que toute vie ait disparu de sa surface. Toute l’agriculture doit être repensée à cette lumière. Le travail de l’agriculteur va consister à collaborer avec les autres êtres vivants pour produire de la nourriture sans mettre en danger l’équilibre de l’écosystème. C’est ce que nous essayons modestement de faire. Vivre déjà aujourd’hui cette nouvelle terre promise. Nous associons différentes plantes dans les espaces cultivés, utilisons des engrais organiques, ajoutons des arbres dans les champs, couvrons le sol pour le protéger, etc.

Cette nouvelle vie commence par notre relation au sol, cela continue par nos relations avec les plantes, les animaux, ensuite bien-sûr par nos relations les uns avec les autres, mais aussi notre relation à nous-mêmes, nous qui sommes créés à l’image de Dieu et finalement c’est notre relation avec le Créateur qui est restaurée.

Que le Tout-Puissant nous aide dans notre faiblesse et que son Règne de justice et de paix s’établisse.

Amen !

The promotion of agroecology in food production systems

Agroecology is an approach to the promotion of food production within a balanced ecosystem. In this article, I use ‘agroecology’ in a generic sense. The same could be said more or less about organic agriculture, natural farming, permaculture, etc. As mentioned by the FAO, “Agroecological practices, research and policies have seen exponential growth in the last decade. At the same time agroecology has not yet become mainstreamed within the broader context of science and development work.”[1] In many development programs, agroecology is effectively a mainstream in guidelines and strategy, but not necessary globally applied.

Since I have been involved in the promotion of agroecology in different countries[2], and despite the fact that my experience is not very long with this specific approach, I would like to share some principles that seems to me be pertinent in many contexts and might be helpful.[3]

What factors can positively influence the spread of agroecology?

1. Foster enthusiasm

Agriculture is a risky activity. Farmers are reluctant to take risks when they are living in a precarious situation. This can make the adoption of a new approach more difficult. This obstacle can be avoided when agroecology is introduced with a first ‘simple’ demonstration that gives immediate and visible results. For example, in a group of legume producers in Cameroon, the use of chemicals (fertilizers and pesticides) was widespread. The good results gained after the introduction of compost and chicken manure (that was cheaper than the chemical fertilizer), provided the necessary enthusiasm to empower the farmers to look for other alternatives to expensive and environmental damaging external inputs. I like the way Roland Bunch explains that in his (old but still accurate) book “Two Ears of Corn”.[4]

2. Make it simple (imitating nature)

It is often said that agroecology needs more knowledge than conventional agriculture. The farmer cannot just apply some agro-chemical inputs but has to observe and study his environment. He has to be aware of the different vegetal and animal species living on his farm. Emphasizing this “complexity” is necessary in places where organic agriculture is considered to be not ’scientific’ but it can give the impression to some farmers that agroecology is too difficult for them. We need to focus more on the principles and not on a long list of complicated techniques, to change the vision. It’s all about the joy of observing and imitating nature. Here in Switzerland, I have heard a young farmer explain why he wanted to convert to organic agriculture: he said that he wanted to go back to “real agriculture”, working “with the nature”. Imitating the perfection of nature is a simple principle from which others can be inferred. Everyone passionate about farming can apply it, learning by observing and doing. Just two examples of these principles:

Masanobu Fukuoka was applying the principle of imitating nature for decades in Japan and summarised his approach to ‘Natural Farming’ in 4 principles:

  1. human cultivation of soil, ploughingor tilling are unnecessary, as is the use of powered machines
  2. prepared fertilizersare unnecessary, as is the process of making compost
  3. weeding, either by cultivation or by herbicides is unnecessary. Instead only minimal weed suppression with minimal disturbance
  4. applications of pesticidesor herbicides are unnecessary[5]

Without necessarily applying these principles to the letter, they can surely inspire good agroecological principles. In the example of Cameroon above (substitution of chemical fertilizers by compost and manure), the farmers discovered themselves that the “agroecological” legumes were more resistant to insects attacks than the “conventional” ones. They are now ready for new discoveries!

In Zimbabwe, Brian Oldreive needed to change his way of farming after seeing a catastrophe. Conventional farming resulted in water run-off and the topsoil was being washed away. During a time of prayer in the bush, he understood that he needed to imitate nature. There is no mechanism in nature in which the soil is inverted and there is a thick blanket of fallen leaves and grass which covers the surface of the soil. He realized that these two factors in nature prevented the soil from being washed away. From these “simple” principles, he changed his farming practices and was finally sharing it with thousands of farmers in Africa through his organisation Foundations for Farming[6]. I can testify that the fields planted using these principles are productive and beautiful. Here the result of our planting of Fall 2014, during a workshop with several leaders from East Africa.

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These two principles (no till and permanent cover of the soil) can be a good starting point for agroecology implementation.

3. Holistic management

Agroecology is not only about agronomic techniques, but can also be considered as a movement, which aims to transform the global world food system. The more holistic agroecology is, the more it will be sustainable in the long term. 4 managing principles are applied by ‘Foundation for Farming’.

  • On time: timeliness is very important and every operation that we do should be done at the correct time and in the correct season.
  • To standard: this means that everything must be done well and to a high standard.
  • Without wastage: It is about not to be wasteful with what nature has given us (soil, water, sunlight, seed, nutrients, but also time and opportunity)
  • With joy: Joy arises from hope and beauty. When things are done on time, to standard and without wastage, hope begins to dawn in the heart, as the success of the crops is seen.

Finally, Gandhi famous phrase “Be the change you want to see” applies also to agroecology. Some call it also “double transformation”[1]. You cannot expect a change outside, if it does not exist also inside. Exactly like this young farmer above, I discovered the joy of working ‘with nature’. I am applying the agroecology principles in my own small garden.

I hope these reflections will give the opportunity to reflect about agroecology and change management. Please contact me if you have any comments, questions, reflections. Thank you.

[1] http://www.lachairetlesouffle.org/spip.php?article16

[1] FAO, International Sy mposium on Agroecology, 2014. http://www.fao.org/about/meetings/afns/en/

[2] Mainly in French speaking Africa, (West and Central)

[3] Further reading highly recommended: Scaling-up agroecological approaches: what, why and how? Oxfam Solidarité, 2014

[4] Two Ears of Corn, A Guide to People-Centered Agricultural Improvement, Roland Bunch, 1985.

[5] http://www.onestrawrevolution.net

[6] http://www.foundationsforfarming.org/

Etre fidèle à la terre, c’est renversant!

J’ai eu le privilège inattendu de participer à une formation à l’agriculture de conservation au Zimbabwe en novembre 2014, pays que je n’avais jamais visité et où je ne connaissais personne. Ce voyage a été renversant sur plusieurs points. J’ouvre ici une petite parenthèse: J’ai toujours aimé les renversements qui existent dans le Royaume de Dieu, « The Upside-Down Kingdom », comme on dit en anglais.

La formation était organisée par Foundations for Farming (appelé auparavant « Farming God’s Way »). Cette structure a été fondée par un paysan Zimbabwéen, Brian Oldreive, d’origine anglaise, qui a un parcours tout à fait atypique et « renversant ». Il était un grand producteur de tabac (sur plusieurs milliers d’hectares), qu’il cultivait de manière conventionnelle (c’est à dire en utilisant les techniques les plus courantes, avec labour et produits chimiques). Un jour, il a décidé de devenir disciple de Jésus-Christ. Lors d’une nuit d’insomnie, il a compris que son travail n’était plus en adéquation avec sa nouvelle vie. Il ne voulait plus produire du tabac, un produit qui asservit les gens. Il décida donc de cultiver du maïs. Malheureusement, il n’avait pas d’expérience dans cette culture, et les récoltes étaient mauvaises. A tel point qu’il a dû demander aux banques de lui prêter plus d’argent. Ces dernières étaient d’accord, à condition qu’il revienne à la production de tabac, la culture pour laquelle il était compétent, selon elles. Il a refusé et a finalement tout perdu: sa ferme et ses terres. Il a ensuite cherché du travail à Harare et finalement trouvé une ferme à louer, mais dont les terres étaient dans un état catastrophique, totalement érodées. Il a essayé tout de même de faire du maïs dans ces conditions, mais les rendements étaient faibles et il produisait à perte. La situation était critique à nouveau. Dans son désespoir il s’est alors tourné vers Dieu en lui demandant de lui enseigner comment cultiver. Etrange requête pour un paysan de génération en génération. Dieu lui a alors dit (ou lui a inspiré l’idée) d’aller en forêt. Priant dans la nature il a eu le sentiment que Dieu lui disait d’observer ce qu’il voyait. Il a réfléchi au fonctionnement de la forêt, un écosystème naturel ou « divin ». Deux choses lui sont apparues:

1) Les arbres poussent sans labour, la terre n’a pas besoin d’être retournée pour que les graines poussent.

2) La terre est couverte en permanence par des feuilles mortes et du matériel végétal en train de sécher ou se décomposer.

Brian a alors tenté d’appliquer ces principes dans ses champs. Le principe du non-labour existe depuis les années 1930 en agriculture sous le nom « d’agriculture de conservation » (approche aujourd’hui promue par la FAO), mais la méthode développée par Brian va plus loin que ce qui est généralement compris sous ce terme. Il a commencé par un seul hectare et encouragé par les résultats, s’est lancé ensuite dans deux hectares de maïs cultivés sans labour et avec du mulch (litière végétale). Les résultats étaient tellement bons qu’il réussissait à faire des bénéfices qui compensaient les pertes faites sur le reste de la ferme. Il a ensuite étendu sa méthode à l’ensemble du domaine et a même racheté des terres aux voisins pour finalement cultiver 3’500 hectares sans labour. C’est là que DIeu lui a dit « Je ne t’ai pas montré cela pour que tu t’enrichisses, mais pour que tu le partages avec tout le monde, et les pauvres en particulier ». Brian a donc commencé à organiser des cours pour les paysans et mis en place des champs de démonstration. Les résultats étaient excellents (les rendements dépassaient les 10 t /ha, alors que souvent les paysans récoltent dix fois moins), mais ne duraient pas, quand les équipiers de l’organisation quittaient la zone. Quel était le problème? L’équipe de Foundations for Farming s’est rendu compte que les paysans ne manquaient pas de connaissances techniques, mais du savoir permettant d’implanter ces connaissances pour en faire une activité rentable. Brian demanda alors à Dieu de lui révéler comment sortir de là, et la réponse était: « Apprendre à faire un bénéfice ». Pour cela, quatre principes sont à respecter:

1) on time: faire les choses à temps, pas en retard, c’est particulièrement important pour le semis et le sarclage.

2) at standard: respecter les normes de qualité, par exemple, la plante doit pouvoir se développer correctement, etc.

3) without wastage: la pratique des feux de brousse, par exemple, est un gaspillage incroyable de ressources qui partent en fumée, sans parler de la destruction de la structure du sol.

4) with joy: la joie permet de dégager l’enthousiasme, elle vient aussi d’une attitude reconnaissante et permet de rester en communion avec le Créateur.

Apparemment, ces principes sont assez simples, mais ils sont tout aussi révolutionnaires que les principes de respect du sol (non labour et couverture permanente).

J’ai été émerveillé de constater à quel point les participants des différents pays africains présents à la formation étaient enthousiasmés par la méthode « Farming God’s Way ». Plusieurs d’entre eux ont même témoigné qu’ils vont démisionner un jour de leur poste dans leur organisation pour se consacrer à l’agriculture! Cela ne va pas forcément faire plaisir à leur employeur actuel, mais quel renversement! Dans un contexte où les emplois à durée indéterminée sont rares, il est vraiment surprenant d’entendre ce discours! Moi-même d’ailleurs, j’ai aussi ma petite idée derrière la tête concernant la culture d’un lopin de terre…

Je suis étonné par la sagesse ou la façon de faire de Dieu. Depuis toujours, l’imitation de la nature a été un moteur pour l’innovation. Dans cet exemple au Zimbabwe, c’est par cette méthode qu’un « simple » paysan, conduit par Dieu, a compris comment être fidèle à la terre et comment restaurer des sols qui avaient été maltraités.

Pour plus de renseignements, voyez le site suivant: http://www.foundationsforfarming.org

D’autres méthodes existent, qui imitent aussi la nature, comme la permaculture: http://www.permaculture.ch/la-permaculture/